Service de Diagnostique Ultrasonore Vasculaire, Hôpital S. Joseph
- Paris
Les acouphènes sont des sensations auditives provoquées
par des désordres somatiques indépendamment de tout stimulus
extérieur. Cela les différencie des sensations anormales
déclenchées par des stimuli extérieurs à l'organisme
et des hallucinations auditives ou acousmies d'origine psychique.
Ces sensations correspondent, soit à des bruits mécaniques
pouvant être perçus par un observateur extérieur avec
ou sans instrument de détection, soit à des anomalies de
perception responsables d'une sensation auditive en l'absence de source
sonore interne objective.
Ils sont classiquement définis comme des bourdonnements, continus
ou intermittents de tonalité grave, des claquements de durée
brève sans caractère tonal bien défini, des sifflements
continus ou intermittents de tonalité aiguë et des tintements
continus ou intermittents de tonalité moyenne.
On peut aussi les classer selon leur étiologie:
· Les acouphènes produits par les souffles vasculaires,
artériels, veineux et artério-veineux.
· Les acouphènes générés par la
chaîne de transmission: claquements du tympan, myoclonies des muscles
du marteau.
· Les acouphènes d'origine cochléo-neurologique
créant une illusion de son:
1) hypertension endo-lymphatique cochléaire associant déficit
auditif, vertiges vrais et acouphènes (maladie de Ménière);
2) hypothétiques hyperactivité ou inhibition des contrôleurs
des cellules ciliées externes cochléaires;
3) bruits dans les bandes de fréquence auditives déficitaires.
Dans tous les cas, les acouphènes peuvent interférer
plus ou moins gravement avec le psychisme.
Il s'agit soit de vibrations produites par le passage turbulent du sang
dans un vaisseau suffisamment proche d'une paroi crânienne pour être
transmises à la cochlée par voie osseuse, soit de battements
artériels hyperkinétiques proches de l'oreille.
Les turbulences sont modulées en fréquence comme en amplitude
par le rythme cardiaque. Très nettement quand il s'agit de vitesses
excessives dans une artère, soit au niveau d'une sténose
ou d'une plicature, soit en raison de débit très élevé
par des fistules artério-veineuses en aval. Moins nettement quand
la turbulence générée vient d'un flux veineux. Dans
tous les cas, la réduction suffisante du flux entraîne un
arrêt des acouphènes.
Les méthodes d'exploration instrumentale peuvent montrer des
sténoses, des plicatures ou des fistules artério-veineuses,
mais la preuve de leur responsabilité doit être complétée
par des manuvres de réduction des flux dont les plus immédiates
sont les compressions manuelles directes des vaisseaux qui supprimant l'acouphène
peuvent seules en apporter la preuve.
Les causes les plus fréquentes sont les sténoses artérielles
juxta et intra-pétreuses ou endo-crâniennes de la carotide
interne, les sténoses plus rares du tronc basilaire, les fistules
artério-veineuses entre les branches de la carotide externe et/ou
de l'artère vertébrale, les fistules artério-veineuses
intra-crâniennes. Parfois il s'agit d'une veine jugulaire interne,
générant le bruit à partir du golfe sans que l'on
y décèle angiographiquement une anomalie évidente.
Mais il s'agit probablement soit de son trajet en baïonnette à
ce niveau qui peut déterminer des turbulences, soit des vibrations
d'un lambeau fibrineux indécelable.
Le diagnostique clinique s'établit sur le caractère pulsatile
de l'acouphène, rythmé par le cur et parfois associé
à un souffle audible au stéthoscope, de tonalité comparable
à celle d'un souffle artériel. Le vaisseau responsable est
la jugulaire interne quand il s'abolit pour une compression légère
de la face antéro-latérale du cou, manuvre que sait déjà
souvent faire le patient pour arrêter ses acouphènes. Il s'agit
de la carotide quand l'abolition est provoquée par la compression
directe de la carotide primitive. La différenciation entre l'origine
carotidienne externe et interne est plus difficile mais est parfois évidente
quand le patient lui-même a déjà repéré
le siège de la compression qui le soulage. Il s'agit alors de fistules
entre la carotide externe et le sinus latéral quand la compression
efficace concerne l'artère occipitale. Les battements hyperkinésie
on la tonalité d'un battement de tambour rythmé par le cur.
L'utilisation d'un stethoscope inversé double porté à
la fois par le patient et le medecin peut permettre d'entendre ce qu'entend
le patient (Fig. 1).
L'écho-Doppler orienté par la clinique, associant Doppler
continu, Doppler Pulsé intra-crânien, Duplex scan, et éventuellement
codage couleur, doit rechercher les sténoses et les fistules artério-veineuses
éventuellement responsable. Les modalités en sont un peu
complexes et demandent une bonne connaissance et une expérience
des manuvres de compression.
L'angiographie, souvent guidée par les données Echo-Doppler,
confirmera le diagnostique.
Les traitements consistent, quand la topographie le permet, à
supprimer les sténoses, réduire les débits des fistules
artério-veineuses et des veines jugulaires. Ils vont de la chirurgie
aux irradiations en passant par les embolisations.
On comprend aussi pourquoi des acouphènes pulsatiles vasculaires
peuvent être aggravés par des traitements vaso-actifs destinés
à réduire les résistances microcirculatoires et donc
à augmenter vitesses et débits.
Les claquements du tympan et parfois les sifflements par dysfonctionnement
de la trompe d'Eustache, sont évoqués sur leur survenue occasionnelle
souvent circostanciées (efforts de mouchage, voyage en avion).
Les myoclonies du muscle du marteau provoquent des acouphènes
sous forme de brefs clicks en rafale, irrégulières, non rythmés
par le cur et d'étiologie équivalente à celles des
myoclonies de la paupière.
Les bourdonnements et sifflements continus sont parfois rapportés
à une cause première, maladie de Ménière, traumatisme
sonore mais le plus souvent impossibles à expliquer à soi-même
comme au patient aboutissant à des investigations paracliniques
multiples et négatives en dehors des déficits auditifs souvent
associés et comme nous l'avons dit dans la bande de fréquence
correspondant à celle de l'acouphène par un équivalent
du phénomène membre fantôme.
Il ne s'agit jamais d'acouphènes, mais elles doivent être
reconnues comme diagnostic différentiel. Il s'agit de phénomènes
psychiatriques délirants chroniques ou aigus.
Ils doivent être soigneusement analysés pour éviter
l'erreur qui avait conduit à l'asile psychiatrique un homme parcequ'il
entendait Radio Paris tous les jours de 7 heures à 24 heures en
l'absence de récepteur radiophonique et qui fut guéri miraculeusement
par l'ablation d'une prothèse dentaire qui fonctionnait malencontreusement
comme un poste à galène réglé sur la fréquence
de l'émetteur de Radio Paris. De même, les aura des epilepsies
temporales peut se traduire par des hallucinations auditives.
La très grande majorité des acouphènes est d'origine cochléo-neurologique, rebelle aux investigations para-cliniques et désespérément incurable aujourd'hui. Les autres causes, parmi lesquelles les causes vasculaires méritent d'être reconnues en raison des risques neurologiques et vitaux liés à leurs nature mais aussi des possibilités raisonnables de traiter efficacement un symptôme peu dangereux par lui-même mais très inconfortable pouvant troubler le psychisme jusqu'au suicide.