Comment je l'ai emporté sur la STIB et sur ses méthodes

Recours en annulation du P.-V. n. F.F. 193217 du 18 septembre 1995

I. FAITS

1. Le 18 septembre 1995, entre 13h50 et 14h00, je me trouvais place du Luxembourg, provenant du Parlement européen avec trois autres personnes. Ayant vu un bus numéro 96 en direction Trône à l'arrêt Quartier Léopold, nous manifestâmes au chauffeur du bus, en lui faisant un signe de la main, l'intention de monter à l'intérieur.

2. Le chauffeur ayant rouvert la porte antérieure de la voiture, qui avait déjà été fermée, nous montâmes en courant dans le bus, qui en effet se trouvait à quelques mètres de distance.

3. Tout le monde sait que, vu la façon parfois sauvage dont les chauffeurs de la STIB conduisent leurs véhicules, au démarrage du véhicule et en courbe il faut bien s'accrocher aux appuis, pour ne pas tomber par terre ou sur un autre malheureux passager. Ce sont d'ailleurs les avis placardés dans les véhicules de la STIB qui suggèrent -ou mieux ordonnent- aux passagers d'agir de cette façon-là. De même, nous fîmes.

4. Dans le cas en question le bus, après avoir démarré de la façon habituelle, opéra un fulgurant demi-tour pour traverser et franchir la place du Luxembourg.

5. Tandis que le bus accomplissait ce gymkhana, trois à quatre hommes mal habillés et d'aspect fort peu rassurant, assis lors de notre entrée sur des banquettes au fond du bus, se levèrent vite et, tels des vautours qui guettent leurs proies, se dirigèrent vers nous. Je dois avouer que voyant ces individus s'approcher de nous, je crus qu'ils voulaient nous agresser. Et je défie n'importe qui de ne pas s'effrayer en étant approché de la sorte par des individus pareils.

6. Quoi qu'il en soit, avant que nous eussions le temps de reprendre notre souffle après le secouant démarrage en courbe, ces individus suspects nous encerclèrent, se qualifiant d'agents de la STIB et nous demandant nos documents de transport et nos papiers.

7. Je donnai à l'un des agents mon passeport et mon attestation d'immatriculation (Annexe n. 2).

8. Lesdits agents de la STIB nous firent descendre à l'arrêt suivant, Trône, où M. PETIT me restitua mon passeport et m'identifia à l'aide de mon attestation d'immatriculation (Voir procès-verbal, annexe n. 1).

9. D'après le procès-verbal dressé par M. PETIT, il aurait constaté que je voyageais sans titre de transport. Dans le même procès-verbal, tout en déclarant que je serais monté dans le bus à l'arrêt Léopold, M. PETIT affirme être monté à l'arrêt Trône, où il aurait constaté ma prétendue infraction.

II. CONTESTATIONS DU PROCES-VERBAL

10. Pour en venir au procès-verbal n. F.F. 193217, je conteste:

a) le fait que l'agent Patrick PETIT ait déclaré m'avoir surpris à l'arrêt Trône "sans titre de transport", en infraction de l'article 35.3;

b) le fait qu'il ait déclaré être monté à l'arrêt Trône;

c) le fait qu'il ait déclaré que je serais monté à l'arrêt Quartier Léopold (étant monté à l'arrêt Trône, comment pouvait-il prétendre savoir que j'étais monté à l'arrêt précédent?);

d) les moyens par lesquels l'agent prétend m'avoir identifié.

III. MOTIVATIONS

11. Ces trois premières affirmations (10a, 10b, 10c) ne peuvent pas être toutes véridiques en même temps, à la lumière des événements. Elles sont incompatibles, car contradictoires entre elles.

12. Quant à la première, elle n'est pas absolument vraie, vu que j'ai été "surpris" par des agents dès mon entrée dans le bus, c'est-à-dire à l'arrêt Léopold. Je ne sais pas dire si M. PETIT était dans le bus en compagnie des autres agents, ni s'il est monté à l'arrêt Trône. Il est certain que si j'étais véritablement monté à l'arrêt Quartier Léopold et arrivé à l'arrêt Trône sans avoir validé mon ticket, tout en pouvant choisir de le faire ou non, l'agent PETIT aurait eu toutes les raisons d'écrire ce qu'il a écrit dans son procès-verbal. Mais ce n'est pas le cas.

13. Ce que l'agent PETIT n'a pas écrit c'est que, entre l'arrêt où je suis monté et celui où il affirme être monté, j'avais été de facto empêché par ses collègues d'extraire ma carte à 10 voyages de ma poche afin de la valider (Annexe n.3) car, lorsqu'ils m'entourèrent, je n'avais pas encore eu la possibilité de la sortir, étant accroché aux appuis. Certes, j'aurais évidemment pu la sortir de mon portefeuille en courant dans la rue et, peut-être, aurais-je même pu jeter des billets de banque ou mes papiers au milieu de la rue. Mais ce n'est évidemment pas mon cas.

14. Or, l'agent PETIT aurait pu écrire dans le procès-verbal: soit qu'il était déjà dans le bus lorsque je suis monté place du Luxembourg (et dans ce cas il m'aurait surpris bien avant que le bus arrive à l'arrêt Trône); soit qu'entre l'arrêt de Quartier Léopold, où je suis monté, et celui du Trône, où il affirme être monté et m'avoir surpris, ses collègues m'avaient déjà contesté l'infraction à laquelle se réfère le procès-verbal qu'il a signé, m'empêchant de ce fait de valider ma carte (un titre de transport présenté après le contrôle n'ayant aucune valeur). En plus, vu que je ne lui avais rien déclaré, il ne pouvait même pas savoir que j'étais monté à l'arrêt précédent. Au moins une des affirmations inscrites dans le procès-verbal n'est donc pas véridique, car l'agent PETIT ne pouvait pas se trouver en même temps à l'arrêt Trône et dans le bus dirigé vers ce même arrêt.

IV. CONTESTATION DE L'IDENTIFICATION

15. Dans le préambule de l'attestation d'immatriculation par laquelle l'agent PETIT affirme m'avoir identifié il est stipulé qu'elle "ne constitue en aucune façon un titre d'identité ou un titre de nationalité". Doit-on en déduire que les agents de la STIB soient autorisés, contra legem, de considérer ces attestations d'immatriculation comme des titres d'identité tout à fait valables? Ou plutôt que l'agent LEPETIT m'ait identifié irrégulièrement?

V. CONTESTATION DES METHODES

16. Le chauffeur n'aurait pas dû rouvrir la porte, vu qu'évidemment j'avais pris la décision de monter dans le bus à la dernière seconde et que bien difficilement j'aurais pu extraire ma carte afin de la valider dès mon entrée dans le bus. Il aurait dû partir, pour m'empêcher d'entrer irrégulièrement dans le bus. Toutefois, il rouvrit les portes, tout en sachant que jamais je n'aurais pu entrer dans le véhicule conformément aux règlements gouvernant la STIB.

17. Je comprends bien que la STIB doive éponger ses dettes: ce que je ne peux pas accepter c'est la façon dont j'ai été abordé par ces agents déguisés. Ce sont des méthodes peu urbaines (pour ne pas les qualifier de sournoises) qui ne font pas honneur à un service public digne de ce nom. Et je n'en dirai pas plus.

VI. CONSIDERATIONS

18. Je payerai cette amende par esprit cosmopolite, en signe de solidarité envers la pitoyable situation dans laquelle verse cette société bruxelloise de transports en commun. Toutefois, je ne puis tolérer que cette contribution soit inscrite dans le budget de la STIB en tant qu'amende.

VII. CONCLUSIONS

19. Par conséquent je demande:

a) l'annulation du procès-verbal, ne fût-ce que pour les moyens illégaux par lesquels j'ai été identifié;

b) le remboursement de l'amende concernant le procès-verbal n. F.F. 193217, pour que je puisse librement verser ces 2.000 FB en faveur de la politique d'assainissement du budget de la STIB.

Fait à Bruxelles le 19 septembre 1995.

Emilio Colombo

Annexes:
1) Photocopie du procès-verbal n. F.F. 193217;
2) Photocopie de l'attestation d'immatriculation n. F 0,177,860;
3) Photocopie de la carte à dix voyages que j'avais dans ma poche.

La réponse de la STIB...

STIB - CONTROLE TITRES DE TRANSPORT

Bruxelles, 02.X.1995

Monsieur,

nous avons bien reçu votre lettre du 19 septembre '95, ainsi que la copie via le service de médiation, relatives à l'incident de perception qui vous est advenu le 18 septembre '95 dans le bus de la ligne 96.

Suite à votre lettre nous avons procédé à une enquête approfondie du dossier. Nous avons immédiatement convoqué en audience l'agent verbalisant qui a reconnu s'être trompé lors de l'indication de l'arrêt de montée.

Tenant compte de l'erreur de notre agent et dans un esprit commercial, nous voulons bien, ne pas exiger la surtaxe de 2.000 F et classons votre dossier sans suite.

Nous regrettons les désagréments que cet incident vous a occasionnés.

Veuillez agréer, monsieur, l'expression de nos sentiments distingués.

B. Sicx
Chef de Service

...et celle du Médiateur

Service de Médiation
auprès de la Société des Transports intercommunaux de Bruxelles

Antoine LOMBART
Médiateur

Bruxelles, le 3 octobre 1995

Monsieur,

J'ai bien reçu votre fax du 19 septembre 1995 relatif à l'incident de perception qui vous est advenu la veille sur la ligne 96.

Lors de l'entretien téléphonique que vous avez eu avec mon secrétariat vous avez été informé de ce que le médiateur n'intervient qu'au degré d'appel, c'est-à-dire dans les cas où la solution proposée par la STIB pour résoudre le problème du client ne le satisfait pas.

Afin de traiter votre dossier avec diligence, j'ai toutefois transmis votre courrier au Service de Contrôle des Titres de Transport qui vous a répondu en date du 2 octobre 1995 en me transmettant une copie de sa réponse.

Je me réjouis de la décision qui a été prise en votre faveur.

Veuillez agréer, Monsieur, l'assurance de ma considération distinguée.

Antoine LOMBART

 

Ritorna