1- Alerte rouge sur le « 133 »
____________________________________________________________

Il ne reste qu'un mois pour agir contre l'usurpation de la démocratie
à Nice. Nous nous opposerons par tous les moyens à la modification de
l'article 133 du traité d'Amsterdam.

Le Commissaire européen pour le commerce Pascal Lamy et les lobbies
des firmes transnationales qui lui sont proches ont aujourd'hui bon
espoir d'obtenir que la Conférence inter-gouvernementale qui se réunit
à Nice les 7 et 8 décembre modifie l'Article 133 du Traité
d'Amsterdam.  S'il en est ainsi, la lutte contre la mondialisation
néo-libérale reculera gravement.

En effet, le gouvernement français, jusqu'ici hostile à cette
modification, propose aujourd'hui des changements à l'Article 133 qui
régit les relations entre les pays membres de l'Union et la Commission
en matière de commerce extérieure.  Ce domaine, selon les termes du
Traité, relève de la "responsabilité partagée" ["mixed competence"]
entre la Commission et les gouvernements des 15 pays membres, du moins
en ce qui concerne les trois domaines cruciaux des services, de
l'investissement et de la propriété intellectuelle. De fait, les
parlements nationaux doivent approuver des accords dans ces domaines
et les pays membres peuvent y opposer leur veto.  Un arrêté de la Cour
de justice européenne de 1994 garantit la responsabilité partagée dans
ces trois domaines alors que les biens industriels, eux, relèvent du
régime de la "majorité qualifiée" qui donne des pouvoirs très étendus
à la Commission.

Depuis le mois de juillet, le Commissaire Lamy a entrepris une
campagne pour obtenir que le régime de la "majorité qualifiée"
s'applique aussi aux services [dont la santé, l'éducation,
l'audiovisuel, les transports, l'environnement et tous les services
publics]; à la propriété intellectuelle [dont les OGM] et aux
investissements.  Lamy a affirmé en septembre devant une Commission
parlementaire française "qu'il ne lui restait plus qu'à convaincre la
France et l'Espagne" pour obtenir la révision de l'Article 133. 

Or, voilà que le gouvernement français cède à la volonté du
Commissaire "socialiste" qu'il a nommé.  Les textes qu'il propose à la
Conférence intergouvernementale de Nice ne suggèrent même plus qu'on
puisse garder l'Article 133 en l'état et conserver le pouvoir de veto
et d'examen des accords commerciaux futurs par les parlements
nationaux.  Les nouveaux textes français n'offrent en effet que trois
"options" qui toutes étendraient les pouvoirs de la Commission et
réduiraient gravement l'espace démocratique et citoyen.

Les différences entre les "options" proposées par la France se
ramènent en effet à des points de détail.  L'option "A" comporte deux
variantes: dans le premier cas seuls les services et la propriété
intellectuelle seraient soumis à la majorité qualifiée; dans l'autre
les investissements y seraient aussi soumis. En réalité peu importe la
variante car les investissements seraient soumis à la majorité
qualifiée dans tous les cas de figure : l'Accord général sur le
commerce des services [AGCS/GATS] protège les investissements des
fournisseurs étrangers sous la rubrique des droits afférents à la
"présence commerciale".

L'option "B" prévoit que les pays membres pourront modifier l'Article
133 à la majorité qualifiée pour qu'il inclue les trois domaines
actuellement exclus [services, propriété intellectuelle,
investissements].  Question aux juristes: la Cour de Justice
européenne affirme que l'Article 133 ne s'applique pas aux services, à
la propriété intellectuelle et aux investissements et que toute
décision dans ces domaines exige l'unanimité des pays membres.
Comment alors peut-on voter à la majorité qualifiée pour modifier
cette disposition et décréter par un tour de passe-passe que,
désormais, l'Article 133 s'applique bel et bien à ces domaines?

L'option "C" proposée par la France consiste en un protocole de 8
Articles contenant 19 paragraphes au total.  Ce protocole ne
s'appliquerait qu'aux négociations menées à l'Organisation mondiale du
commerce [OMC].  Mais dans ce forum - de très loin le plus important
pour le commerce extérieure - la Commission aurait les pleins pouvoirs
non seulement sur les Accords concernant les services, la propriété
intellectuelle et les investissements mais sur tous les autres Accords
[29 au total]. Le mandat de la Commission serait, dans tous ces
domaines, établi à la majorité qualifiée; la Commission représenterait
de plus les états membres devant l'Organe de règlement des différends,
la Haute Cour de l'OMC. 

Le Commissaire Lamy veut la libéralisation du commerce tous azimuts;
ses ambitions se comparent au "fast track" demandé par le Président
Clinton et refusé par le Congrès américain.  Si nous laissons faire,
la porte sera ouverte à une Commission totalement acquise aux
doctrines néo-libérales et aux exigences des grandes entreprises
industrielles et financières.  Ce sera le règne de l'opacité, de la
centralisation et la défaite de la démocratie.

Sous un tel régime, la France ne pourrait plus se retirer de l'AMI et
faire capoter les négociations comme elle l'a fait en décembre 1998.
Elle ne pourrait plus opposer son veto au Nouveau Partenariat
Transatlantique de Sir Leon Brittan destiné à faire une vaste zone de
libre-échange entre l'Amérique du Nord et l'Europe.

Il est encore temps d'empêcher la révision de l'Article 133. Il ne
faut pas céder la souveraineté nationale et accepter la majorité
qualifiée dans ce domaine, même si elle peut être désirable dans
d'autres (la législation sociale par exemple). Nous savons quel
mauvais usage serait fait par la Commission de cette nouvelle liberté.
Nos gouvernements ne doivent pas démissionner: nous nous mobiliserons,
avec les citoyens d'autres pays européens, pour que la France ne cède
pas à Nice (à l'appel de nombreuses organisations sont organisés des
manifestations le 06 et le 07 décembre et un contre-sommet du 06 au
08).

Susan George
Présidente de l'Observatoire de la mondialisation
Vice-présidente d'ATTAC.

Pour en savoir plus :
1 AGCS : outre ce numéro du Courriel, nous avons publié d'autres
articles sur l'AGCS depuis quelques semaines : voir en particulier les
Courriel 181 et 174. Archives : http://attac.org/listfr.htm Voir aussi
: la petite brochure sur l'AGCS éditée par la CCCOMC (44, rue Montcalm
- 75018 Paris - fax + 33 (0)1.46.06.41.07).
2 Accords internationaux : présentation et quelques documents
importants http://attac.org/fra/themes/mondialisation.htm - tous les
documents disponibles
http://attac.org/fra/themes/mondialisation/accords.htm
3 Mobilisations de Nice le 06 décembre. Appel
http://attac.org/fra/asso/doc/doc35.htm - Liste d'information du
Collectif de Nice (un message par semaine) : pour vous abonner:
a) envoyer un message vide à : nice2000-info-request@ras.eu.org /
mettre en objet: subscribe
b) ou cliquez ici: nice2000-info-request@ras.eu.org?subject=subscribe