LES ENJEUX DE NICE

 Les enjeux de Nice méritent à eux seuls une large mobilisation européenne.

 

 La Charte des droits fondamentaux.

 

 Déjà approuvée au Sommet de Biarritz, avec l’objectif d’être proclamée au Sommet de Nice, celle-ci pourrait devenir un instrument de régression sociale et démocratique, d’autant que le droit européen est censé primer sur le droit national.

 Cette Charte renie le droit au travail qui devient “ le droit de travailler et d’exercer une profession librement choisie… ”. Ainsi, les employeurs et les Etats n’ont plus d’obligations, si ce n’est de laisser chacun(e) libre de travailler…ou de survivre! C’est d’ailleurs pour cela que les auteurs de la Charte, rédigée par une “ Convention ” composée de 63 membres représentant la Commission et le parlement européens, les gouvernements et les parlements nationaux des Quinze, ont justifié l’inscription de droit de travailler dans le chapitre LIBERTE. Le texte supprime “ le droit à prestation ” : ce qui peut remettre en cause les réglementations sur les allocations de chômage. Pas d’interdiction de licenciements non plus, mais “ une protection contre tout licenciement injustifié ” ! Ce point de la Charte doit être mis en rapport avec les “ Grandes Orientations de Politiques Economiques ” (GOPE) de la Commission et du Conseil européens qui sont un rouleau compresseur sur les systèmes de protection sociale. Ces GOPE indiquaient déjà en décembre 1996: “ Pour obtenir les résultats voulus, un  élargissement de l’échelle de salaires vers le bas suppose une réduction de 20% à 30% du coût salarial des activités peu qualifiées, comme cela a été le cas par exemple aux Etats-Unis, dans les années 1970 et 1980. En outre, pour être efficace, une telle mesure nécessiterait en Europe une réduction équivalente des allocations de chômage et des prestations sociales afin d’éviter “ le piège de la pauvreté ”

 La Charte renie également le droit au revenu minimum vital, à une protection sociale et à un logement décent, tel qu’il est  pourtant inscrit dans de nombreuses constitutions et législations nationales. Le texte très ambigu et pernicieux précise : “ afin de lutter contre l’exclusion sociale et la pauvreté, l’Union reconnaît et respecte le droit à une aide sociale et une aide au logement destinées à assurer une existence digne à tous ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, selon les modalités établies par le droit communautaire et les législations et pratiques nationales ”. Pas question  de déterminer, au niveau européen, le seuil de revenu en dessous duquel il serait “ indécent ” de descendre dans les pays de l’UE ou encore l’obligation de programmer des logements sociaux, par exemple !

 Les droits des femmes se résument pratiquement à  celui de “ se marier et de fonder une famille ”. Les immigrés, eux, ont le droit de ne pas être “ expulsés collectivement ”

 Cette Charte est en retrait sur d’autres textes internationaux, comme “ la Déclaration universelle des droits de l’homme ”, écrite en 1948, il y a plus d’un demi-siècle. En revanche, le document fait la part belle au droit de propriété et à la liberté d’entreprendre. Bref, une charte à l’image de l’Europe libérale. 

Majorité qualifiée et unanimité 

Au niveau européen, tout ce qui  concerne le marché et la monnaie se décide à coup de règlements et de directives à la majorité qualifiée, à l’exception de quelques verrous qui ont pu jusqu’à présent protéger les services publics (à condition qu’un  Etat ait la volonté et l’audace d’utiliser son veto pour cela). Mais ces verrous sont en passe de sauter. Par contre, tout ce qui concerne les normes sociales et fiscales, qui pourraient entraver la liberté des entreprises et la libre circulation  des capitaux, est soumis à l’unanimité (il suffit d’un Etat pour tout bloquer).  Il en résulte que les projets de directives sur le social et la fiscalité, adoptés à l’unanimité, sont généralement vidés de leur sens ou transformés en simples recommandations, sans obligation de transposition dans les législations nationales. 

Les documents de la Conférence Intergouvernementale, qui prépare le Traité de Nice, comportent des amendements à l’article 137 du Traité d’Amsterdam sur les dispositions sociales. Un des amendements, qui satisfait la Confédération européenne des syndicats (CES), ouvre la possibilité de décisions, à la majorité qualifiée, sur les questions sociales. 

Mais, dans la foulée, un des textes préparé par la Présidence française prévoit l’adoption d’une directive sur “ les conditions d’octroi des allocations de chômage ” Il s’agirait de définir, au niveau européen, “ les conditions de perception de rémunération, les limitations au bénéfice des allocations de chômage, ainsi que la définition de la disponibilité des chômeurs pour le marché de l’emploi ”. Si une telle directive est adoptée (il n’y aura pas de droit de veto ), les législations nationales devront être adaptées aux conditions inscrites dans la directive. Livrer à la Commission européenne, aujourd’hui ultra libérale, la possibilité de concevoir une initiative de directive sur ce sujet représente un  terrible danger pour les revenus des travailleurs qui se trouvent sans emploi. 

Les réformes institutionnelles préalables à l’élargissement à l’Est. 

Le Conseil européen s’engage dans un  processus d’élargissement avec pour objectif d’étendre l’Union européenne à 27 Etats. D’ici 2004, un premier groupe de six Etats ( Pologne, République tchèque, Hongrie, Slovénie, Estonie, Chypre) devrait rentrer dans l’Union, suivi d’un deuxième groupe avant 2007 (Bulgarie, Lituanie, Lettonie, Roumanie, Slovaquie). Cet élargissement, qui se prépare sans droits sociaux, servira les seuls intérêts des marchands qui ne voient dans l’Europe centrale et orientale qu’un énorme marché attendant d’être conquis et un réservoir de main d’œuvre hautement qualifié, pouvant travailler à bas prix. 

De plus, en 2003, une première armée européenne, dans le cadre de l’OTAN et englobant une partie des pays de l’Est, sera constituée avec une force de 180 000 militaires.  

Révision de l’article 133 du Traité d’Amsterdam : danger ! 

Le commissaire européen, Pascal Lamy, pousse à obtenir une révision de l’article 133 du Traité d’Amsterdam, de telle sorte que les Etats n’aient plus la possibilité de s’opposer à des accords pris, par les instances européennes, à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ou dans d’autres enceintes internationales. De tels accords concerneraient les investissements, les droits de propriété intellectuelle, les services. Au nom de la Commission, et sans aucune consultation démocratique, il dépose au siège de l’OMC à Genève des textes qui engagent irrémédiablement les pays et les populations européennes dans la voie de la libéralisation et la privatisation des services, en particulier l’enseignement et la santé. 

TOUS ENSEMBLE 

La mobilisation pour Nice et après Nice ( de juillet à décembre 2001, ce sera au tour de Belgique d’occuper la présidence européenne) est décisive. 

Face au projet de Charte et des autres enjeux liés à la dérive libérale, antisociale et antidémocratique de nos gouvernements, nous voulons faire d’abord toute la  lumière sur les mesures qui se prennent sans nous et contre nous. Nous voulons faire le maximum pour empêcher l’adoption et la concrétisation de ces mesures. Nous voulons imposer à nos gouvernements une vraie Europe sociale, soucieuse d’une réelle répartition des richesses qui permettent à chacun(e) de vivre dans la dignité. Nous voulons une Europe avec de vrais droits sociaux et politiques et non la charité. Nous voulons une Europe qui instaure l’égalité de droit et de fait entre les hommes et les femmes. Nous voulons une Europe solidaire avec les peuples du tiers monde et accueillante pour les demandeurs d’asile. Nous voulons reprendre la parole qui nous a été confisquée par des institutions obsolètes et non démocratiques, pour définir ensemble ce que nous voulons, tout en permettant à chaque collectif, organisation, coordinations nationales et internationales de porter leurs propres revendications. 

Seattle, Davos, Washington, Genève, Bruxelles, Prague, Amsterdam, Cologne, Lisbonne, Nice..., désormais, les “ grands ” de ce monde (FMI, banque mondiale, OMC, G7, Commission et Conseil européens...) ne peuvent plus se réunir en secret pour décider du sort des peuples, sans eux et contre eux. 

Nous serons tous ensemble à Nice, dès le 6 décembre 2000: le mouvement syndical européen, les collectifs ATTAC, les coordinations contre l’OMC et la marchandisation du monde, les coalitions pour l’abolition de la dette des pays du tiers monde, le réseau des Marches européennes, déjà à la base des mobilisations à Amsterdam et Cologne. 

Ici, en Belgique, dans nos mobilisations communes et à partir de nos organisations respectives, nous voulons faire avancer nos revendications pour une autre société: une fiscalité plus juste, une redistribution plus juste des richesses, le droit au travail et à un revenu garanti individuel permettant à chacun(e) de vivre dans la dignité, le droit au logement et à des soins de qualité, à des services publics performant et avec accès gratuit pour les plus démunis, une politique d’accueil digne d’un pays démocratique, etc.  La présidence du Conseil européen, qu’occupera Belgique, le deuxième semestre 2001 sera une des occasions importantes pour continuer à poser nos revendications sur le terrain politique.  Denis Horman, animateur du réseau belge des Marches et membre d’ATTAC-Liège. liege@attac.org  

RAPPEL :Le collectif d'organisation des mobilisations de Nice en décembre (les 6 et 7) vous proposent de vous abonner à leur liste d'information (pas plus de 1 message par semaine). Nice ? A l'occasion du dernier sommet européen sous présidence française les syndicats européens ainsi que les organisations de la société civile se mobilisent pour manifester et organiser contre-sommet, actions festives etc.Pour vous abonner (et recevoir environ un message par semaine):1 - envoyer subscribe2 - ou cliquez ici: nice2000-info-request@ras.eu.org?subject=subscribeun message vide à : nice2000-info-request@ras.eu.org /