da LE PETIT BOUQUET
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Le quotidien électronique de l'actualité française
No 636 - Paris, le mercredi 16 février 2000.

> A LA UNE ......
Tandis que Libération publie le récit de sa journaliste, Anne Nivat,
interrogée par l'ex-KGB qui lui a confisqué son matériel, Le Figaro fait le
récit de la destruction de la ville tchétchène de Katyr Iourt. La
photographie qui illustre l'article en dit long sur cette guerre menée
contre les populations civiles: à l'arrière d'un tombereau, un couple
regarde les restes carbonisés d'un corps humain. On distingue un visage,
noirci, au sourire crispé par le feu. Légende : « Dans un camp de réfugiés
tchétchènes, Deshi Yandarbiyev regarde le corps carbonisé de l'une de ses
soeurs tuée à Grozny ».
« Il n'y a plus une seule maison debout. Katyr Iourt n'existe plus. Il y
avait encore des dizaines de corps dans les rues », témoigne un rescapé,
dans Le Figaro. L'armée russe applique la politique de la terre brûlée,
rasant les villages par lesquels sont passés les combattants tchétchènes
fuyant Grozny. « Dans tous les villages, c'est la même histoire. On voyait
les Russes en arrivant et en partant, ils étaient à 100 mètres de nous à
peine. Ils tiraient même en l'air pour signaler leur présence. Puis, après
notre départ, ils bombardaient les habitants », raconte Houssein,
commandant d'un groupe de combattants tchétchènes. Katyr Iourt, situé à 25
kilomètres de la capitale, avait miraculeusement échappé à la destruction
massive orchestrée par les Russes. La ville abritaient 12 000 réfugiés.
Mais, « à compter du 4 février, Katyr Iourt est devenue un vaste champ de
ruines et un cimetière ». Matina, 15 ans, a survécu au pilonnage de la
ville. Elle raconte : « On a vu des enfants, des vieux, des femmes, des
hommes, dont les corps écrasés gisaient dans les ruines. C'était
épouvantable. De mes yeux, j'ai vu une cinquantaine de corps ». Rencontrée
à la frontière ingouche, la jeune fille raconte le « sort subi par son
père, Rouslan, et son petit frère de 10 ans », témoignage confirmé par
d'autres personnes. « Les Russes ont attaché des blessés avec du fil
barbelé à des véhicules blindés de l'armée, puis les ont traînés dans les
rues de Katyr Iourt et en direction d'Atchkoï Martan ». D'autres réfugiés
font état d'exécutions collectives, de véhicules civils pilonnés par
l'armée russe. « Impossible de faire un bilan exact de l'opération de
"nettoyage" à Katyr Iourt. Elle n'est pas exceptionnelle par les moyens
employés, mais par son ampleur. Pendant une semaine, les Russes ont fait de
cette localité un sanctuaire de cruauté »
Les Russes appellent cela la « zatchstka » : l'opération de « nettoyage ».
« Le principe en est simple : on pille, on trie, on tue. Pas de témoins,
pas de supérieurs contrariants, pas de comptes à rendre ». 350 à 400
personnes sont mortes à Katyr Iourt Sans compter les blessés qui ont pu
être évacués.
« Vu de Tchétchénie, La Haye et son tribunal international paraissent trop
loin pour être inquiétants ».

> Adelaide ROBAULT
Le Petit Bouquet (C) 2000