7- Australie, l'après Melbourne
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Les 11, 12 et 13 septembre derniers se sont réunis a  Melbourne les
membres du WEF (World Economique Forum, Forum Economique Mondial),
représentants de multinationales et hommes politiques qui cherchent à
"améliorer l'état du monde" selon leurs propres termes, et en
particulier cette fois-ci état de l'aire Asie-Pacifique.  En
opposition a ce sommet s'est constitue il y a quelques mois le
collectif S11 (September 11th, 11 septembre, www.s11.org ) dans le but
de réitérer le succès de Seattle

   Le premier jour de la réunion aurait pu entretenir cet espoir
puisque les manifestants, entre 1 500 et 10 000 selon les sources, ont
empêche 200 des 850 délégués du WEF de rejoindre le Crown Casino ou se
réunissait le Forum. Pourtant, des la seconde journée, les forces de
l'ordres, environ 2 000 policiers, ont opte pour une tactique plus
radicale qui a permis un bon déroulement du meeting. Il faut dire que
la police avait affaire pour l'essentiel a des jeunes gens, ages de 15
a 25 ans, étudiants, écologistes, membres de mouvements d'extrême
gauche. Des jeunes plutôt bien organisés concernant les aspects
techniques des manifestations puisqu'etaient présents des médecins,
des "juristes observateurs" et même des cuisiniers

Mais des jeunes totalement dépourvus de ligne politique élaborée au
sujet de la mondialisation. Le seul slogan unificateur invitait a
"Fermer le Forum"

Certaines banderoles demandaient la libération des réfugiés
(lesquels?) et l'enfermement des patrons. De nombreux slogans
écologistes, pour préserver la planète.  Certains des groupes présents
comme le Socialist Equality Party (le Parti Socialiste Egalité,
www.wsws.org) ont d'ailleurs vivement critique la faiblesse des
slogans en soulignant que vouloir attirer le plus de manifestants
possible ouvrait la porte a toutes sortes d'association, notamment
entre S11 et des mouvements nationalistes de droite tels que le One
Nation Party. Ils reprochaient d'autre part a S11 de ne pas s'exprimer
clairement sur la mondialisation et de laisser ainsi la notion dans le
brouillard, sans prendre part aux essentiels débats sur le rôle de
l'Etat au XXIeme siècle, le protectionnisme, le nationalisme, les
liens et distinctions entre mondialisation et capitalisme.  Cependant
toutes les associations présentes critiquaient la mondialisation pour
les mêmes raisons générales: augmentation de la pauvreté dans le
monde, un profit qui ne bénéficie qu'aux grandes compagnies, érosion
des droits démocratiques, menace de l'emploi et des conditions de
travail, destruction de l'environnement, et enfin une attaque des
droits aborigènes, notamment lies a la possession de terres.  La
critique est donc commune mais les propositions alternatives
réfléchies se font rares

  Et l'on comprend ce manque de pense politique clairement définie en
constatant extrême diversité des associations membres du collectif
dont le seul but commun  était de se réunir le 11 septembre. S11
regroupait effectivement de nombreux syndicats tels que le Syndicat
Maritime ou le CFMEU (Construction, Forestry, Mining and Energy Union,
le Syndicat du Bâtiment, des Forets, des Mines et de l'Energie), des
groupes écologistes comme Greenpeace ou les Verts du Nouvelle Galles
du Sud, des groupes  étudiants comme le Syndicat National des
Etudiants, des ONG telles que Aldwatch ou  Anti-Bases Coalition. S11
était également lie a certaines associations politiques non engagées
dans le collectif mais qui partageaient les mêmes objectifs pour le 11
septembre 2000: Résistance (www.resistance.org.au), l'International
Socialist Organisation (Organisation Socialiste Internationale), le
Democratic Socialist Party (Parti Socialiste Démocratique,
www.dsp.org.au) ainsi que certains groupes anarchistes

Et en réponse a la campagne de recrutement organisée par S11 parmi les
étudiants, le Premier ministre australien John Howard a demande aux
autorités éducatives de « s 'assurer que les efforts des agitateurs
politiques pour engager les étudiants dans les manifestations
n'aboutissent pas ». De même, le porte-parole du Labor Party, Martin
Ferguson, a déclaré que les élèves devaient rester rives a leurs
livres car «les bénéfices de la mondialisation vont a ceux qui ont des
capacités et font face a leurs responsabilités pour étudier », un
Labor Party qui se disait pourtant vivement intéressé par la Taxe
Tobin (cf. www.attac.org/fra/part/doc/ausalp.htm). Des propos qui
laissent imaginer qu'aucun des grands partis australiens n'a approuve
les manifestations de Melbourne, même si les Verts leur ont apporte un
certain soutien.  Face aux principaux partis, aucune organisation
suffisamment importante pour diriger le mouvement anti-mondialisation
en Australie.  C'est pourquoi S11 a du se constituer à la hâte.

Bien entendu la presse s'est empressée d'ironiser sur cet assemblage
qui peut sembler hétéroclite. Pourtant, celui-ci témoigne, en
Australie, d'une véritable prise de conscience des retombes néfastes
de la mondialisation en l'absence de contrôle citoyen

D'une part, l'abondante publicité faite par des médias qui n'ont pas
cesse de diaboliser les manifestants a permis de poser pour la
première fois a l'échelle nationale la question de la mondialisation.
La population reste certes éloignée des position de S11 et suit sur ce
point le gouvernement et l'ensemble des principaux partis. John Howard
a ainsi déclare que les manifestations de Melbourne étaient «
un-Australian » (in-Australienne) et « marquaient un triste jour dans
l'histoire de la nation ». Pourtant, journalistes et hommes politiques
se sont exprimes plus clairement au sujet de la mondialisation,
libéraux pour la plupart mais parfois ouverts a d'autres points de vue


D'autre part, les jeunes S11 ont du préciser a cette occasion leur
pense et tentent, depuis la fin des manifestations, de s'organiser et
de réfléchir collectivement et au sein de chaque entité. Ainsi, par
exemple, les membres du Socialist Worker (Travailleur Socialiste) se
sont réunis le 28 septembre dernier pour « construire le mouvement
anti-capitaliste, après la victoire de S11 ». Une petite manifestation
a également été organisée a l'arrivée de la torche olympique a Sydney
pour protester contre l'hypocrisie des Jeux Olympiques, notamment
concernant les aborigènes Une autre manifestation a eu lieu pendant
les Jeux devant le siège australien de Nike.

Le collectif S11 a donc suscite autour de lui un nouveau mouvement
intellectuel, un début de lutte unifiée. Il a su entraîner non
seulement de très nombreux jeunes motives mais également des penseurs
et associations critiques vis-à-vis de la mondialisation

Ainsi, a l'occasion des manifestations des 11, 12 et 13 septembre ont
été organises des conférences et des débats a ce sujet.  Tout d'abord,
le 7 septembre une conférence a été dirigée par l'ACFOA (Australian
Council for Overseas Aid,  le Conseil Australien de l'Aide a
l'Etrangère, www.acfoa.asn.au) qui regroupe 90 ONG dans le domaine de
l'aide à l'étranger et du développement.  Puis, quelques jours plus
tard, lors du sommet du WEF, le collectif est parvenu a faire passer
son message lors du sommet du WEF par l'intermédiaire de Vandan Shiva,
intellectuelle et activiste indienne reputee en Australie et membre du
Forum International sur la Mondialisation (www.ifg.org).   Enfin, S11 a
manifeste le 12 septembre avec deux grands syndicats australiens même
si l'accord quant aux moyens d'action était pas parfait : le VTUC
(Victorian Trade Union Council, Conseil des Syndicats du Victoria) et
ACTU (Australia Council of Trades Unions, Conseil Australien des
Syndicats, www.actu.asn.au). Le président de ce dernier regroupement a
par ailleurs émis un certain nombre de propositions pour une
mondialisation citoyenne : la mise en place d'une taxe sur les
mouvements de capitaux, un allégement rapide de la dette du
Tiers-Monde, un renforcement de l'aide étrangère dans ces mêmes pays
et l'établissement d'un code de conduite pour les multinationales

ACTU et AFCOA appartiennent par ailleurs a AFTINET (Australian Fair
Trade Investment Network, Réseau Australien  d'Investissement
équitable, www.eisa.net.au) qui s'est également lie a S11 a Melbourne.
AFTINET regroupe, en outre, le Conseil Australien du Service Social,
le Conseil National des Eglises en Australie, ainsi que de nombreuses
organisations locales et nationales défendant les droits de l'homme
ainsi que l'environnement. AFTINET fournit des bulletins réguliers et
des intervenants lors de conférences afin de faire des propositions au
gouvernement et de conduire une discussion avec les partis
d'opposition pour avoir un impact sur la préparation des prochaines
négociations de l'OMC prévues pour 2001. AFTINET fait ainsi circuler
une pétition demandant un moratoire sur les futurs accords de l'OMC,
la révision des conséquences des précédents accords et une enquête
parlementaire sur les relations entre l'Australie et l'OMC. La
pétition a déjà été signe par près de 500 organisations du monde
entier dont ATTAC, et vise à rependre l'esprit de Seattle sur toute la
planète.

Elsa Fayner. Correspondante du Courriel d'information en Australie.