da LE PETIT BOUQUET
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Le quotidien électronique de l'actualité française
No 635 - Paris, le mardi 15 février 2000.

Le Monde publie un nouveau récit d'horreur sur les «camps de filtration »
mis en place par l'armée russe en Tchétchénie. Après le témoignage
clandestin d'un soldat russe affecté au camp de Tchernokozovo, c'est au
tour d'un Tchétchène, « premier rescapé » de ce même camp, de raconter les
sévices, la torture et les viols. Surnommé Moussa, le jeune homme a été
racheté par sa famille aux Russes.
"Les tortures ont lieu dans le corridor, la nuit, quand l'équipe de
service est sous l'emprise de l'alcool et de la drogue". Les
tortionnaires, qui "travaillent" avec un masque, seraient quarante-huit
contractuels cosaques venus de Rostov, Volgograd ou VladiKazkav ; ils
reçoivent "1000 à 1200 roubles par jour" (200 francs) et font les 3X8. Ils
convoquent à tour de rôle leurs victimes, dont les cris gardent chacun
éveillé. Alors que, toute la journée, les détenus doivent rester debout,
les mains levées. N'y échappent que ceux qui s'évanouissent. Les coups et
les viols sont ordinaires. "Les viols sont pratiqués à 100%, les hommes
doivent ramper dans le corridor, dit Moussa en baissant la voix. Parmi les
détenus, il y a un garçon de dix ans et sa soeur de treize ans, pris pour "
défaut de documents". Le garçon a été battu, la fillette violée" ».
Au camp, les Russes monnayent tout. Une grand-mère, accompagnée de ses
petites filles, a payé 5000 roubles pour rendre visite à sa fille. Une fois
les cinq minutes d'entrevue achevées, la grand-mère est partie, contrainte
de laisser sur place sa petite fille âgée de quatorze ans. « Elle a été
battue et violée quatre jours durant, on entendait tout, elle a été
libérée, à moitié morte, après le passage d'une espèce de commission »,
raconte Moussa. Tout n'est qu'exactions. Sur des vieillards, des enfants,
des femmes. La camp recèle même des « cellules cachées », où Moussa affirme
voir vu le journaliste indépendant Andreï Babitski, début février. « Là,
tous avaient les côtes cassées, les doigts ou les oreilles coupés, les
tympans crevés. Officiellement, ces détenus n'existent plus. On leur fait
pousser la barbe pour les échanger, contre des prisonniers russes ».

Moussa évoque également son passage devant un des enquêteurs russes. « Il
m'a lu le texte d'un décret posé sur sa table, selon lequel 150 000
Tchétchènes doivent passer par les camps de filtration. Il m'a dit que le
but est de faire en sorte que ceux qui en ressortent vivants soient des
invalides à vie ». Intimidation supplémentaire ? Pression psychologique?
«On pourrait le penser si l'action ne se passait pas en Tchétchénie »,
explique la journaliste du Monde, Sophie Sihab. Et de citer les réfugiés
rencontrés qui n'ont qu'une phrase à la bouche : «Ce n'est pas une guerre
contre les combattants, c'est une guerre contre la nation tchétchène».
Depuis deux siècles que la Russie tente de « supprimer ce "peuple
malfaisant ", selon les termes d'un général russe », Moscou montre
aujourd'hui, avec ces camps, les villages rasés et les civils exterminés,
toute sa détermination à faire de la Tchétchénie un désert soumis. Pendant
ce temps, au Kremlin, Vladimie Poutine fête l'effacement d'une dette de
10,6 milliards de dollars, remise accordée par les banques privées
européennes, parmi lesquelles le Crédit Lyonnais

> Adelaide ROBAULT
Le Petit Bouquet (C) 2000