Gaston Bachelard
Dormeurs éveillés

"Dormeurs Éveillés" : La rêverie lucide

 


Au terme d'une dizaine de causeries radiophoniques intitulées "Dormeurs éveillés", Gaston Bachelard donne son point de philosophie sur la rêverie lucide.
La philosophie traditionelle, ne s'occupe que de la pensée ; mais avant de penser, l'homme imagine, songe, il est assailli par les images. Bachelard décrit l'être humain total, diurne et nocturne, à la frontière desquels les songes nourrissent ses pensées, où ses pensées expliquent ses songes. Il écarte la rêverie due aux artifices de la drogue de la rêverie lucide. Pour Bachelard, le rêveur lucide réalise une synthèse de la réflexion et de l'imagination, fonction dynamique majeure de l'être humain. Notre appartenance au monde des images est plus forte que celle au monde des idées. L'expression "eau dormante" est pour lui l'image privilégiée, réunissant le monde de la nuit et celui de la lumière : "L'eau dormante, dans sa pénombre intime, est la conscience de mon inconscient". Aussi bien nous parle-t-elle de la morte, mais ... toujours naîtra d'une eau dormante l'être d'une vie antèrieure, le témoignage de la vie nocturne, de l'au-delà. Il est nécessaire pour l'image poétique qu'elle soit l'image d'un songe ancien et qu'elle s'ouvre sur l'avenir de la langue.

Le silence n'est pas à l'opposé du bruit : il cite Baudelaire "sois sage, ô ma douleur et tiens-toi plus tranquille"...
Gaston Bachelard, après les dormeurs éveillés poètes, étudie alors ceux qui préfèrent la réflexion, l'activité d'esprit, la technique du réveil absolu. Il analyse ensuite l'impulsion de l'intelligence et de l'imagination vers le repos actif, l'éveil à un ordre nouveau, la recherche des valeurs de lucidités, décantation de la matière nocturne. Avec le réveil, le jour devient transcendance de la nuit.

Finalement, le dormeur éveillé ne nous doit des confidences que sur son réveil. "Il médite, il pense, rêve dans le sens d'une aube d'humanité".