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D'après " Luviatico " de Gian Luigi Falabrino
(essai publié en occasion de l'exposition " Luviatico ". 2001)
…dans ses linoléums Cannaò - partagé entre l'amour et l'intolérance pour la terre d'origine d'un côté, et d'autres sentiments ambivalents pour la grande ville du nord, de l'autre - il voit la lune comme un point lumineux, l' " autre " par rapport à la métropole, q'on voudrait y être pour nous illuminer, mais qui souvent est absente : la ville est respectée et appréciée, mais M. Cannaò l'entend surtout obscure, dans tous les sens. Et en effet la lune, présente ou absente, est toujours acclimatée dans un paysage qui a quelque élément réaliste de la Sicile : la lune sphérique au-dessus d'une maison, d'un effet à coupole arabe, ou les oliviers si tordus qui paraissent se transformer en des animaux. Voilà que les éléments réalistes prennent une autre route, celle du surréel, qui caractérise beaucoup de ses peintures à l'huile, et la lune se cramponne de ses griffes à l'horizon, ou tirée en bas par un homme au long crochet, avec surprenante et inconsciente affinité à un manifeste du futuriste Sinòpico du 1928.
Il y a le retour du thème de l'arbre enraciné à la terre, et revient la capacité d'être supérieur à ses obsessions, comme avait déjà justement remarqué Angela Manganaro. Et, surtout, on entend l'écho de la multiplicité de ses expériences : la peinture, l'eau-forte, l'influence des écrivains siciliens (Lucio Piccolo avec " Le esequie della luna " et Vincenzo Consolo avec " Lunaria "), et son passer et repasser de l'art figuratif au théâtre. Ce n'est pas par hasard qui quelques linoléums paraissent des fonds de scénographies. Mais ce qui est important est la suggestion qui dégage par ces gravures : si la majeur utilisation des couleurs blanches dans les tableaux les plus grands les rend plus proches de la peinture, dans toutes le signe et la " couleur ", le contraste, sont l'expression d'autant plus réussie que la richesse du monde intérieur qui les crée. Dans les linoleums de M. Cannaò la nuit est mystérieuse, mais pas tout à fait ennemie, le langage des signes rend (romantiquement ?) présente la lune, c'est-à-dire la lumière, même lorsq'elle semble ne pas y être : " Tacitae per amica silentia lunae "…Pas tout est obscur dans la nuit de notre temps, l'espoir ne nous laisse pas dans une totale
solitude.
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