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Ruth Mack Brunswick : « La dérogation du rabbin »

 

 

di Paul Roazen 

Paul Roazen è morto il 3 novembre 2005. Il 10/11/2005 ricevevo da Jules e da Daniel Roazen questa triste e per me inaspettata risposta ad una email che avevo scritto qualche giorno prima al Prof. Paul: 

 

<<Dear Friend,
 
We are heartbroken to inform you that on Thursday, November 3rd 2005 Paul Roazen passed away.  As you may imagine, the list of his friends and colleagues is very large.
 
If this email reaches you before our phone call, please know you have our deepest sympathy.
 
His internment will be held Friday November 11th, at 11am, at the Independent Pride of Boston Cemetery, 776 Baker St., West Roxbury, followed by a reception at his home.
 
There will also be a memorial service in the spring of 2006.
 
Sincerely yours,
 
Jules & Daniel Roazen >>

Maitres à dispenser

 

 

Paul Roazen si era laureato ad Harvard in lettere e filosofia e nella stessa Università aveva insegnato scienze politiche. Era stato recentemente insignito del titolo di Professor Emeritus alla York University di Toronto. 

  Fra le sue pubblicazioni ricordo: "Freud: Political and Social Thought" (1968), "Fratello animale: la storia di Freud e Tausk" (1969, trad. it. 1973), "Meeting Freud's Family" (1973), "Freud and his Followers" (1975), "Erik H. Erickson: the Power and Limits of a Vision" (1976), "Encountering Freud: the Politics and History of Psychoanalisis" (1990), "Helen Deutch: a Psychoanalisist's Life" (1991).

Tra i suoi fondamentali contributi storici, giustamente celebri sono stati i suoi lavori di storia della psicoanalisi.  In Italia negli anni '70 fece un certo scalpore il suo "Fratello animale: la storia di Freud e Tausk" (Rizzoli, 1973) in cui la relazione tra il geniale allievo di Freud, suicidatosi nel 1919, ed il maestro veniva delineata in tutta la sua complessità, senza alcun riguardo anche per i suoi aspetti più inquietanti.

Voglio ricordare questo autentico maestro degli studi storici, fino alla fine generoso e disponibile nel fornire, anche al sottoscritto, suggerimenti e consigli bibliografici, pubblicando sul sito web di cui sono editor un frammento del capitolo che in "Freud and his followers" Paul Roazen ha dedicato alla figura di Ruth Mack Brunswick. 

Ruth Mack Brunswick (1897-1946) fu una delle prime allieve psicoanaliste di Sigmund Freud e, come afferma Paul Roazen, <<verso il 1930 ella era senza dubbio l'allieva prediletta di Freud a Vienna, e la persona in grado di stargli più vicino: andava da lui a cena, gli faceva visita durante l'estate, e aveva buoni rapporti con i suoi figli>>. Attraverso la figura della Brunswick, Roazen fa luce sul tipo di rapporti  che Freud ebbe con le sue prime allieve, sulle gelosie tra di esse (ad es. tra la Brunswick ed Anna Freud), ma anche, più in generale, sugli atteggiamenti più profondi del fondatore della psicoanalisi rispetto alle donne in generale che  <<usava (...) come schermo su cui proiettare le proprie idee>> (P. Roazen, op. cit.). La "facoltà del rabbino", che dà il titolo al testo sotto riportato in francese, è quella che consente al rabbino di agire secondo delle eccezioni alle regole codificate: analogamente Freud prese in analisi Ruth e Mark, il futuro marito, pur sapendo che costituivano già una coppia di fidanzati.

Per il momento pubblichiamo l'edizione francese del testo, sperando di poter in seguito adeguatamente commemorare il Prof. Roazen con altre iniziative editoriali.

P.S.: I figli Jules e Daniel Roazen hanno allestito un sito web dedicato al padre con testimonianze ed 'obituaries': è accessibile alla pagina http://roazen.net/Paul.html 

 

Giuseppe Leo      lunedì, 14 novembre 2005

    News del 2003                testo in francese -texte en français
Recensioni dalla stampa 2003   

 

                      Rivista Frenis Zero  

Après Otto Rank, jamais Freud n'adopta d'autre « fils ». Bien qu'aucune de ses élèves-femmes de 1924 ne lui soit restée loyale, à dater de cette époque, ses élèves féminines se mirent à occuper des positions marquantes.

Freud trouvait les femmes moins compliquées et moins obsédées par la compétition. Ses étudiantes constituaient, en fait, une longue lignée de filles adoptives : Mira Oberholzer, Eugenia Sokolnicka (l'analyste polonaise de Gide, qu'il mit en scène dans son roman Les faux-monnayeurs et qui, quoique analysée par Freud, se suicida au gaz en 1934), Hermine von Hug-Hellmuth, Hélène Deutsch, Marie Bonaparte, Ruth Mack-Brunswick, Jeanne Lampl-de Groot, sans compter les femmes qui le rejoignirent par le biais de leur amitié avec Anna Freud:

Dorothy Burlingham, Eva Rosenfeld, Anny Katan, et Marianne Kris. Freud n'est pas le seul homme célèbre qui, prenant de l'âge et en mauvaise santé, attira une foule de femmes admiratives; Albert Schweitzer, dont Freud avait une haute opinion, fit de même. Freud ne recherchait pas activement l'adulation de ces femmes, pas plus qu'il ne cherchait à choisir spécifiquement ses admirateurs.

De-ci de-là, il acceptait passivement que des femmes soient membres du cercle intime qui l'entourait, sans paraître choqué par l'existence de ce qui ressemblait à une cour royale. L'intense préoccupation qu'il avait de son travail et son agressivité vis-à-vis du monde extérieur s'accompagnaient d'une certaine dépendance vis-à-vis, non d'une seule femme, mais de tout un groupe de femmes.

Il ne voulait pas avoir à se soucier des tracas de la vie quotidienne. Dans ses dernières années, ces femmes formèrent autour de lui ce que d'aucuns appelèrent une « camarilla ». Elles le protégeaient des visiteurs, prenaient des dispositions pour ses vacances et surveillaient sa santé. Timide et réservé avec les femmes, Freud termina sa vie au milieu d'elles; il faut peut-être se rappeler qu'il avait cinq sœurs.

Ces femmes finirent par occuper une place importante dans une profession tout à fait ouverte aux talents féminins. Bien que l'on n'ait pas encore reconnu à Ruth Mack Brunswick la place qui lui est due dans la vie de Freud, sa carrière éclaire les quinze dernières années de la vieillesse de celui-ci. En 1930, Ruth Mack Brunswick (1897-1946) était indiscutablement l'élève favorite de Freud à Vienne. Elle avait là des entrées uniques, venait dîner chez lui, lui rendait visite en été, et était en bons termes avec ses enfants.

Elle était réellement membre de la famille privée de Freud. A la fois aimée et jalousée comme une rivale par la fille de Freud, Anna, Ruth Brunswick fut la plus importante des dernières filles adoptives de Freud.

Elle joua aussi un rôle de médiateur entre les analystes américains et le cercle intime de Freud à Vienne. Américaine et confidente de Freud, membre des Sociétés de Vienne et de New York, elle était en excellente position pour aplanir les discordances naturelles entre ces deux mondes si différents. C'est elle qui envoya à Freud nombre de riches Américains; et, de manière générale, elle recherchait des patients américains à analyser à Vienne.

Bien qu'il fût parfois difficile, pour les observateurs extérieurs, de savoir qui était «en grâce» et qui ne l'était pas, ceux qui étaient depuis quelque temps en contact avec Freud connaissaient bien le statut de Ruth Brunswick. Sa fille aussi avait beaucoup de succès auprès de Freud et de sa femme. C'est sans doute par jalousie ou par manque de tact peut-être que, dans sa biographie de Freud, Jones ne mentionne à aucun moment la position de cette analyste. Inconnue de lui, elle fut pourtant l'une des femmes à recevoir la bague de Freud.

Ruth Brunswick avait du charme et de l'intelligence et, type même de l'Américaine, ne connaissait guère l'inhibition; elle était démonstrative et explosive, pleine d'allant, d'effusion et de chaleur. Elle était aussi élégante, bien élevée autant que vive, et possédait une brillante intelligence. En tant que femme, Freud ne la trouvait ni spécialement attirante, ni sans attraits.

Comme dans le cas de sa belle-sœur Minna, Freud aimait utiliser les femmes à titre d'écran où projeter ses idées; contrairement à Minna, pourtant, Ruth avait tendance à être dominatrice, et n'était pas du type pacifique et maternel qui se contentait uniquement de comprendre les idées de Freud. Elle savait écrire et parler, avait beaucoup lu, et, pour Freud, était l'une des rares Américaines à ne pas porter les stigmates de l'Amérique.

Ruth Brunswick avait un esprit hardi, ce qui était peut-être le cœur du problème pour Freud. Elle n'avait pas de retenue intellectuelle et osait prendre des risques. Elle pouvait avoir une idée un jour et en changer le lendemain. Peu de gens apportèrent cette souplesse intellectuelle à Freud. Elle était fière de sa relation avec lui, et tous deux ils en tiraient plaisir.

Ruth Brunswick - qui était alors Ruth Blumgart - avait vingt-cinq ans lorsqu'elle arriva chez Freud, et c'est avec chaleur et enthousiasme qu'elle pénétra dans son monde. Freud devint pour elle l'être idéal, un mentor scientifique autant qu'un substitut du père. Le sien, le juge Julian Mack, était un distingué juriste et philantrope juif bien connu. Mais elle entretenait une relation fragile avec lui, et Freud semblait être la solution parfaite.

Elle savait que depuis la disparition de Frink il la considérait comme sa médiatrice avec les Américains, et qu'il lui accordait sa confiance pour veiller à ce que les cercles américains interprètent correctement son œuvre.

Longtemps, Ruth Brunswick fut bien plus proche de Freud que sa propre fille Anna. Il lui donna quelques pages du manuscrit de son livre sur Woodrow Wilson, alors que cette dernière ne découvrit ce volume qu'en 1965. Et comme il couvrait Ruth d'honneurs et l'acceptait dans son cercle intime, celle-ci suscita la jalousie de tous ceux qui étaient moins en faveur auprès de lui. Certains de ses collègues masculins la considéraient comme odieuse et agressive.

Ruth Brunswick joua un rôle spécial dans la surveillance de la santé de Freud. Ce fut elle qui, grâce à l'influence qu'avait son père sur le Conseil de surveillance à Harvard, s'arrangea, en 1931, pour qu'un professeur de médecine de Harvard mette au point une prothèse spéciale pour la bouche de Freud.

Marie Bonaparte et elle payèrent la note élevée, ce que Freud finit par regretter; la nouvelle prothèse n'était pas un succès et, chatouilleux sur ce point, il appréciait peu d'être financièrement débiteur de qui que ce fût. Ruth rôda autour de Freud durant sa maladie, et elle alla même jusqu'à corriger son régime.

Ruth était l'épouse d'Hermann Blumgart lorsqu'elle vint pour la première fois à Vienne en 1922. Celui-ci avait été un élève d'E. B. Holt à l'Ecole de médecine de Harvard, lequel fut non seulement le premier à donner un cours sur Freud, mais aussi l'un des premiers à rédiger un manuel de psychanalyse. Diplômée du Radcliffe College, Ruth fréquenta l'école de médecine de Tufts.

Par le biais de Léonard, le frère de Hermann, un analyste qui s'était rendu à Vienne pour une brève analyse avec Freud, Ruth prit ses dispositions pour y aller elle-même. De toute évidence, son mariage était déjà en péril. Mais elle avait terminé sa spécialisation de psychiatre, et se rendit à Vienne non seulement pour trouver une aide à ses problèmes personnels mais en vue d'une formation.

Blumgart fit le voyage de Vienne pour tenter de la ramener. Il était déterminé à rester médecin alors qu'elle voulait devenir analyste. Hermann Blumgart parla à Freud afin de sauver son mariage, mais en vain. Il laissa donc là sa femme et retourna en Amérique où, expert en maladies, il poursuivit une remarquable carrière.

Ruth pensait déjà à la possibilité d'épouser un autre homme que Freud aussi préférait pour elle : Mark Brunswick avait cinq ans de moins qu'elle et était très amoureux. Il avait décidé de l'épouser quand, à l'âge de moins de vingt ans encore, il avait assisté à son mariage. Hermann Blumgart était un cousin germain de sa mère. Ce groupe d'Américains était intérieurement uni par des liens complexes : la mère de Mark Brunswick finit par épouser le juge Mack dans les dernières années de sa vie.

Ruth s'arrangea pour que Mark soit, comme elle-même, analysé par Freud. En 1924, à l'âge de vingt-deux ans, Mark entra dans le cercle de Freud. Celui-ci avait alors soixante-huit ans. Mark se souvint d'une remarque de Freud lors de leur premier entretien : « Est-il possible d'être si jeune? » Mark avait fait peu d'études formelles; une année à l'Exeter Academy fut la seule instruction qu'il possédât jamais. Farouche et timide, prodige musical et, malgré tout, peu développé sur le plan affectif il finit par devenir professeur de musique et président d'une section du City College de New York de 1946 à 1965.

C'était une personne ouverte, imaginative et artistique, et Freud se prit d'emblée de sympathie pour lui. Mark ne connaissait rien à la science ni à la médecine, et ne se souciait que de composer et de rencontrer ses amis musiciens à Vienne. Freud l'avait pris en analyse en tant qu'éventuel beau-fils, pour ainsi dire; Ruth et Mark étaient déjà amoureux l'un de l'autre, et Freud entreprit de remettre d'aplomb Mark afin qu'il pût épouser Ruth.

Leur mariage en 1928 fut un événement dans la vie de Freud, car il se montrait rarement en public à cette époque. La noce eut lieu à l'hôtel de ville, et Freud fut l'un des témoins. Le second témoin de la cérémonie était Oskar Rie, le pédiatre des petits-enfants de Freud et, plus tard, de la fille de Ruth et de Mark. (L'enfant reçut le prénom de Mathilda Hollitscher, la fille aînée de Freud, qui était une amie proche de Mark et de Ruth.)

La fille de Rie, Marianne Kris, était la meilleure amie de Ruth. Les documents du mariage avaient été rédigés par Martin, le fils de Freud, qui était juriste. Le frère de Mark, David (qui était aussi en analyse chez Freud), et sa plus jeune sœur (qui était en analyse chez Nunberg) vinrent aussi à l'hôtel de ville pour la cérémonie.

Freud avait pris simultanément en analyse, Ruth, Mark et David, le frère de Mark. A eux trois, ils représentaient 6o % de son temps analytique et de ses revenus. (A l'époque, Freud menait de front environ cinq cas.) Aujourd'hui, cependant, les analystes n'aiment guère traiter les couples, mariés ou non, ce qui, en vertu des « règles », serait contre-indiqué; un analyste doit pouvoir s'identifier à son patient, ce qui devient plus difficile lorsqu'on traite des gens qu'unissent des liens aussi étroits.

Mais Freud avait l'habitude de violer les procédures analytiques normales sous le couvert de la « dérogation du rabbin » - car les rabbins bénéficiaient d'exemptions spéciales. Mark Brunswick voyait souvent Freud dans son entourage familial, puisque Ruth et lui rendaient souvent visite à sa famille. Il eut, plus tard, l'impression que ces contacts personnels lui avaient fait beaucoup de bien, tout en renforçant en lui certains traits pathologiques.

Freud vivait dans deux mondes et se protégeait lui-même; il avait tendance à être peu psychologisant en dehors de sa pratique. Dans son cercle de famille, Freud était agréable et ne se tenait pas sur ses gardes; il taquina un jour son beau-fils, le mari de Mathilda, pour ses tentatives de flirt avec Ruth, alors que celle-ci était encore sa patiente.

Avant d'aller à Vienne, Mark avait lu et admiré le Totem et tabou de Freud, mais malgré son intérêt pour l'anthropologie, il ne put développer aucun goût pour la médecine. Il n'envisagea jamais de devenir lui-même analyste. Il ne se rendit que deux ou trois fois aux réunions de la Société de Vienne, et les paroles prononcées en public en présence de représentants des deux sexes le choquèrent.

Mark connaissait également William Bullitt, lequel était alors en analyse chez Freud, et Marie Bonaparte qui, à l'instar de Ruth, reprit par intermittence des bouts d'analyse chez Freud des années durant; dans les années 1930, il connut aussi Edith Jackson, une autre patiente de Freud. Jusqu'en 1930, les patients de Freud lui payaient 20 $ de l'heure; puis, de leur propre gré, ils décidèrent de porter cette somme au tarif de 25 $.

L'intimité de ces relations personnelles ne fut pas d'une grande aide à Mark sur le plan thérapeutique; pas plus que les indiscrétions de Freud. Après que David fut venu en consultation pendant quelques semaines, Freud se plaignit à lui par les mots : « que m'avez-vous fait, Ruth et vous? Votre frère est la plus ennuyeuse des personnes! »Pour des raisons différentes, Mark et David étaient tous deux intimidés par Freud.

David pensait que, par la faute de Mark et de Ruth, Freud avait des préjugés contre lui; s'attendant à des résistances intellectuelles de sa part, semble-t-il, le second jour de son analyse, Freud lui dit de parler allemand et de s'inscrire à la faculté de médecine. De formation, David était alors psychologue et espérait commencer à travailler. Il avait abandonné la médecine aux Etats-Unis et, plus tard, fit de même à Vienne.

Freud prétendait que, comme Américain, David aurait besoin d'un diplôme de médecine pour pratiquer l'analyse aux Etats-Unis. Lorsqu'il commença à pratiquer en Amérique, Freud lui écrivit « le fait que vous soyez devenu analyste est un juste châtiment ». Venant de Freud, il s'agissait d'une plaisanterie, mais pour David elle exprimait aussi son attitude envers lui.

Le jeune Mark Brunswick était arrivé chez Freud avec de graves troubles de la personnalité. Rétrospectivement, il se dit que si Freud avait refusé de le prendre en analyse sous prétexte qu'il soignait déjà Ruth, cela l'aurait traumatisé mais aurait peut-être mieux valu à long terme. (Par la suite, David eut lus. aussi l'impression que Freud n'aurait pas dû le prendre en analyse.)

En tout état de cause, Mark commença sa première analyse avec Freud en 1924 et la poursuivit pendant trois ans et demi. A cette date, Freud le déclara guéri; Mark termina son analyse et épousa Ruth. Selon lui, malgré de meilleurs sentiments à l'égard de son père, il n'était guéri d'aucun symptôme. Mark adorait Freud, ce qui ne l'empêcha pas de développer plus tard certains sentiments négatifs à son égard. Néanmoins, jamais il ne découvrit la moindre mesquinerie en Freud; à son avis, les erreurs de ce dernier venaient de sa bonne volonté; il avait péché par témérité.

En juin 1928, Ruth et Mark quittèrent Vienne pour les Etats-Unis où naquit leur enfant; ils revinrent en Europe en 1929 et restèrent à Vienne jusqu'en 1938. Vers la fin '933 ou le début 1934, Mark dit à Freud qu'il avait toujours les mêmes symptômes, mais que, dans une certaine mesure il allait encore plus mal, puisqu'il s'efforçait d'assumer une situation d'adulte. Ces nouvelles troublèrent Freud, et il reprit Mark en analyse.

Pendant sa première analyse, alors qu'il était un jeune homme amoureux d'une femme mariée, Freud et Ruth avaient discuté son cas dans les moindres détails. Ruth devint presque une mère pour Mark. Cette fois, cependant, Freud expliqua à Mark que, contrairement à la première fois, Ruth ne devait rien savoir de son analyse, et qu'il avait alors commis une grave erreur en en discutant avec elle. Freud confessait ses erreurs d'antan avec beaucoup d'ouverture et de naturel. (Avec d'autres patients - tels que David - il y allait moins carrément.)

Mark ne tarda pas à tomber amoureux d'une jeune fille. Il demanda à Freud s'il était opportun de violer son serment de mariage, et Freud répondit que oui. Ruth et Mark divorcèrent en 1937 mais se remarièrent six mois plus tard, bien que cela déplût à Freud. Jusqu'en 1938, la cure de Mark progressa considérablement. Il ne restait plus alors aucun de ses amis musiciens à Vienne.

Il avait quitté cette ville en octobre 1937 et y était revenu en décembre; il finit par partir pour de bon à la fin du mois de janvier 1938. Freud se mit à rédiger l'exposé de son cas le mois même où il quitta Vienne, mais la mort le surprit avant qu'il ne l'achève. (Quelques années plus tard, Mark suivit à New York une autre analyse bien plus réussie, selon lui, que celles qu'il avait eues avec Freud.)

Des tensions étaient déjà apparues entre Freud et Mark, essentiellement à propos de politique. Ruth et Mark furent tous deux déçus par l'attitude de Freud lorsque les socialistes furent violemment écartés du pouvoir en 1934. Politiquement, Freud semblait avoir totalement changé son fusil d'épaule, et préconisait de soutenir Dollfuss, bien que ce fût un régime autoritaire.

De fait, Freud était mourant, et il voulait à tout prix rester à Vienne. En février 1934, Mark et Freud décidèrent d'un commun accord de ne plus se voir pendant un certain temps, à cause de l'amertume que suscitait chez Mark l'attitude politique de ce dernier. L'Autriche avait alors un gouvernement anti-intellectuel représentant les forces sociales qui n'avaient pas accordé la reconnaissance à Freud, alors que les socialistes étaient ses amis. Mais, conscient de sa culpabilité, peut-être, il ne put traiter cette question en analyse.

A maintes reprises, Mark et Ruth l'enjoignirent de quitter Vienne, mais, comme s il estimait leurs craintes non fondées, il leur reprocha de faire pression sur lui. Dès 1932, il écrivit dans une lettre : « J'ai peine à croire que nous courons un danger personnel comme Ruth et Mark ne se lassent pas de me le répéter. Je suis assez peu connu en Autriche; les mieux informés savent seulement que me maltraiter provoquerait une grande agitation à l'étranger. »

Les autres membres de la communauté analytique de Vienne avaient des difficultés à partir parce que, souvent, il leur fallait pour cela mécontenter Freud, et ils auraient eu l'impression de déserter un navire en plein naufrage.

A l'époque où les nazis s'emparèrent de l'Autriche, Ruth avait, en grande partie grâce au parrainage de Freud, marqué de son sceau la psychanalyse. Car celui-ci lui avait personnellement fait un énorme cadeau - en la personne de l'Homme aux loups, son ancien patient. Par là, il lui faisait aussi le plus immense des compliments.

Mais en traitant ce cas, elle négligea ses propres sentiments transférentiels vis-à-vis de ce patient; persuadée que « pour lui, l'analyse, c'était Freud », elle considéra, en tant que thérapeute, «son propre rôle comme à peu près négligeable; j'ai agi uniquement en médiateur entre ce patient et Freud».

Ce cas et l'article qu'elle y consacra firent beaucoup remonter Ruth dans sa propre estime. Elle rédigea cet article en étroite collaboration avec Freud, bien que l'on puisse espérer qu'il n'avalisa point les tautologies du type de celle qui lui servirent à achever son rapport à l'avenir, écrivait-elle, la santé de l'Homme aux Loups « dépendrait énormément du degré de sublimation dont il se montrerait capable ». En présence de Freud, elle s'était trouvée elle-même. Sans lui, peu de ses disciples auraient eu une quelconque importance dans l'histoire des idées. Par son inspiration et ses encouragements, il tira plus d'eux que ce qu'ils avaient jamais accompli auparavant.

 

(fin de la premiere partie)
                       
Recensioni bibliografiche 2003
 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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